Entretien avec l’un des principaux acteurs
culturels de la scène belge. Michael Delaunoy partage avec nous ses inquiétudes
et ses espoirs à l’heure où le Rideau de Bruxelles trouve enfin la terre
promise.
Peux-tu partager avec nous l’histoire de ta
rencontre avec le théâtre ?
Photo : Lorenzo Chiandotto |
Ma mère était comédienne. Son père avant elle
l’était aussi, en amateur mais de façon très soutenue, et le père de mon
grand-père l’était également. On peut dire que c’est familial ! Mes
premiers souvenirs de théâtre sont donc très anciens. Je crois que mon plus
vieux souvenir, c’est une opérette au Grand Théâtre de Verviers - où j’allais
régulièrement avec mes grands-parents. « Le joueur de flûte ». Je me souviens d’un chanteur en costume
improbable chaussé de poulaines et d’un chapeau à plume et qui portait sur les
épaules de vraies petites souris ! C’est ma plus ancienne image de
théâtre. Et puis j’allais souvent voir ma mère quand elle jouait et, comme tous
les enfants de comédiens, je traînais dans les coulisses. C’est quelque chose
qui m’a immédiatement plu étant enfant, mes dessins illustraient ce que je
voyais sur scène. Cyrano en particulier m’avait marqué. Après, vers le début de
mon adolescence, je me suis quelque peu écarté du théâtre. Ça ne m’intéressait
pas plus que ça – je préférais le rock - jusqu’au moment où j’ai vu des
spectacles qui m’ont marqué. Je me souviens particulièrement de « Lucrèce
Borgia » de Victor Hugo mis en scène par Antoine Vitez dans la cours
d’honneur à Avignon, en 1985. Ça a été un choc ! Avignon, le plein air,
ces acteurs au phrasé chantant très particulier propre au travail de Vitez,…
J’étais emporté ! Les spectacles de Benno Besson m’ont aussi fort
marqué. Le travail avec les acteurs, les scénographies magiques… De fil en
aiguille, j’ai eu envie de suivre des cours. Je me suis formé à l’académie
Grétry à Liège. A l’issue de mes humanités, j’ai décidé de passer l’examen
d’admission au Conservatoire de Bruxelles dans les classes de Pierre Laroche
en art dramatique et de Charles Kleinberg en déclamation. Au départ,
j’avais vraiment dans l’idée d’être comédien. Le goût de la mise en scène m’est
venu quand on travaillait hors des heures de cours. Les camarades me
demandaient souvent de faire l’œil extérieur pour leurs scènes. Au fur et à
mesure, ils me l’ont demandé de plus en plus souvent, probablement parce qu’ils
considéraient que j’avais un bon œil… et j’ai fini par tomber dedans. Et puis,
comme je l’ai compris plus tard, la mise en scène était pour moi le moyen de
joindre mon goût pour l’écrit, la littérature, avec le plateau. Une pratique
très intime, la lecture, avec une pratique collective. Mes compagnons de
promotion étaient Pillippe Vauchel, Benoit Van Dorslaer, Muriel
Clairembourg, Anne Beaupain, Franck Dacquin, Gilles Wiernik, Emmanuelle Bonmariage, Muriel Jacobs,
Dominique Baeyens,… J’espère n’oublier personne !
Originaire de la cité ardente, c’est donc dans la capitale que tu te formes de
1988 à 1992. Peux-tu nous parler de la formation que tu as reçue ? Quels
sont les préceptes fondamentaux qui ont construit les bases de ton
travail ?
Pierre Laroche n’avait pas véritablement, à
mon sens, de projet pédagogique global. Son enseignement était très intuitif.
C’est quelqu’un qui transmettait sa passion, sa gourmandise. Il avait une
approche très tonique, très positive avec une énergie bien particulière qu’il
nous communiquait. Il venait très près de nous, nous montrait les choses,
parfois trop : on était tétanisés devant cet acteur au talent
immense ! Pour moi, Pierre était avant tout un homme de passion qui
éveillait notre curiosité. Il nous poussait à aller voir beaucoup de choses et
à ne pas y aller avec un avis préconçu. C’est quelque chose qui m’est
resté : juger des choses par soi-même. Ne pas se dire « Je ne vais
pas dans tel théâtre parce que… ». Ensuite, c’est quelqu’un qui savait
très bien s’entourer, ce qui nous a
permis de travailler avec des pédagogues comme Bernard De Coster, Pietro
Pizzuti, Julien Roy… Pierre avait l’intelligence de s’entourer d’artistes
aux approches complètement différentes de la sienne. On travaillait par
ateliers, parfois deux en parallèle, ce qui était assez compliqué. Concernant
la déclamation, Charles avait une approche très rigoureuse du texte. C’est un
cours qui m’a énormément apporté, dans le travail de la langue notamment.
C’était également un homme de passion qui avait sa façon à lui d’aborder le
texte poétique mais qui restait ouvert sur les autres opinions. J’ai pu par
exemple travailler avec Charles puis avec Alexandre Von Sivers, qui ont
deux méthodes bien différentes. Toutes ces rencontres ont contribué d’une
manière ou d’une autre à ma formation. Et puis on allait souvent voir nos
professeurs se produire sur scène. On avait de l’admiration pour eux. Ce qui
est important.
Aujourd’hui, c’est à ton tour de former la
nouvelle génération d’artistes de la scène puisque tu enseignes l’art
dramatique au conservatoire de Mons (Ecole Supérieure des Arts Art²). Quelles
sont, selon toi, les différences essentielles entre la formation d’antan et
celle d’aujourd’hui ?
Puisque de toute façon il y a cinq écoles
supérieures d’art dramatique en Belgique francophone, ça fait cinq approches
différentes, ce qui était déjà le cas à l’époque. Il y a effectivement eu des
changements avec le temps. Du côté de Mons, les choses ont pas mal évolué. Il y
a deux classes, coordonnées par Bernard Cogniaux et Frédéric Dussenne.
Moi, j’interviens plutôt dans la classe de Frédéric en fin de deuxième année
et, lorsque je suis en charge de deux ateliers sur l’année, j’ai une classe
mélangée. Pour ce qui est de mon atelier de fin d’année, il s’agit au départ
d’une demande de Frédéric qui souhaitait voir les élèves confrontés pour la
première fois à une pièce contemporaine montée dans son intégralité ; leur
première année étant consacrée à un travail plus technique avec uniquement Thierry
Lefèvre et Yasmine Lasaal. En deuxième année, ils s’emparent d’une
langue lyrique, large et dense (Claudel, Hugo, Musset…) avec Frédéric, puis ils
travaillent la marionnette avec Bernard Clair et, en parallèle,
participent à un atelier d’écriture. C’est à la fin de cette deuxième année que
j’interviens. Pédagogiquement, les premiers ateliers sont d’avantage centré sur
l’élève lui-même, sur les processus fondamentaux du jeu (Comment je
bouge ? Comment je travaille avec le partenaire ? etc.) plutôt qu’à
l’inscription de son travail dans une esthétique particulière. Etant donné qu’à
partir de la troisième année les élèves sont impliqués dans des projets avec
des metteurs en scène et chorégraphes qui viennent avec leurs démarches
propres, mon atelier joue un rôle charnière dans leur formation. Je transmets
toujours des outils mais avec davantage une approche de metteur en scène.
Evidemment, étant donné que je donne cet atelier depuis une dizaine d’années,
il a beaucoup évolué. La matière que je choisis lorgne souvent vers le burlesque, voire le grotesque ; l’élève
ne devra plus se contenter d’être lui-même, il devra aller vers une forme de
stylisation. Il y a aussi une attention aux accessoires, aux costumes. Il y a
tout un travail sur les ruptures, très vives, très nettes. En général, la
matière permet aussi une réflexion dramaturgique importante, souvent politique
ou historique. Donc c’est un gros programme pour un atelier qui ne dure
finalement pas si longtemps !
Quels sont les outils que tu veux absolument
transmettre à ce moment-là ?
D’abord, que les élèves prennent conscience
de la façon dont ils s’insèrent dans un tout. Comment faire pour raconter une
histoire ensemble ? Avec quels outils ? En instaurant quel rapport
avec les spectateurs ? Quelle est la part que je vais apporter ?
Quelle est mon point de vue ? Comment transcender l’opposition scolaire
entre ce qui serait de l’ordre d’une approche théorique, réflexive, et le jeu
qui relèverait de l’instinct pur. Je pense qu’il est important qu’un acteur
fasse confiance à son instinct, à un lâcher-prise, et en même temps qu’il soit
capable de réflexion. Pour moi, l’acteur n’est pas qu’un simple exécutant, il
apporte sa pierre à l’édifice en exerçant son pouvoir critique. C’est un aspect
que j’entends développer dans cet atelier. La conscience est mise tous azimuts.
Elle s’exerce bien sûr en direction du jeu, mais aussi sur les éléments
scéniques, les accessoires, les costumes… Dans un spectacle, il n’y a pas que
les acteurs. Il y a une diversité d’autres concepteurs qui interviennent. C’est
important d’avoir la conscience de ça. Ne pas être seulement sur son petit
problème ! (rires) Sortir de son narcissisme même s’il est important d’en
être pourvu un minimum pour exercer ce métier qui met constamment en jeu la
confiance que l’on a en soi. Mais c’est aussi le cas dans plein d’autres
activités humaines !
Et de manière générale, comment a évolué le
théâtre en Belgique ?
Quand j’ai commencé à faire du théâtre, à la
fin des années ’80, on se disait que la situation n’était pas facile pour les
jeunes qui se lançaient. Les aînés étaient solidement en place et on ne nous
attendait pas. On a eu droit au vieux discours : « Il n’y a pas de
relève », « Cette génération manque de conscience politique ».
Des formules toutes faites, des discours creux et non fondés mais qui n’ont pas
rendu les choses faciles pour ma génération. On a commencé à faire du théâtre au
moment de la chute du mur de Berlin. Le communisme, le matérialisme dialectique
ne représentaient pas la même chose pour nous que pour nos aînés. Nombre
d’entre eux y avaient cru dur comme fer. Nous, on se sentait de gauche, pour la
plupart, mais de façon moins dogmatique. Nous avions moins de certitude. Ce qui
a parfois été perçu comme une faiblesse. Malgré tout, on a réussi à développer
nos démarches, même si ça n’a pas été facile de disposer des outils pour le
faire. Mais si ça a été difficile pour nous, je me rends compte que la
situation globale est pire encore aujourd’hui. Les choses n’ont pas bien évolué
sur ce plan. Les questions sont les mêmes : « Comment j’entre dans la
profession ? », « Comment puis-je trouver les moyens de
développer ma démarche ?» et « Comment je parviens à durer dans cette
profession ? » ; maintenant que je suis plus âgé (45 ans au
compteur), je me rends compte que durer n’est pas facile non plus. Pour un
acteur par exemple, on constate qu’il travaille d’avantage vers 30 - 40 ans et
beaucoup moins vers 50 – 60 ans, surtout les femmes. Cette question du
parcours, qu’on soit comédien ou metteur en scène, est difficile. Le problème
est en partie économique puisque qu’on le sait : il n’y a pas beaucoup de
moyen malgré un grand désir d’art. Il n’y a jamais eu autant d’étudiants en
art. C’est magnifique ! Mais il est difficile d’en vivre. Si en plus on
tient compte de la situation de crise dans laquelle on est plongés depuis
quelques années – je pense particulièrement à l’indexation des subventions des
institutions qui est bloquée depuis plus ou moins cinq ans – on se rend compte
qu’on risque la déprofessionnalisation. Même les structures qui apparaissent
comme « riches » vis-à-vis à d’autres petites structures - je pense au
Rideau par exemple -, sont guettées par la déprofessionnalisation. À un moment
donné, on se demande comment maintenir un certain nombre de productions quand
les moyens ne cessent de rétrécir. Du coup, on se voit forcés de toucher à
plein de petites choses, et puis à des choses plus importantes, comme le nombre
de semaines de répétitions. A terme, nous risquons de glisser vers une pratique
semi-professionnelle (je ne parle pas du tout de la qualité des
spectacles). C’est quelque chose qui m’inquiète beaucoup. Mais certaines choses
ont quand-même évolué dans le bon sens. Il y a une plus grande rotation à la
tête des institutions, qui est une chose que ma génération a beaucoup
revendiquée. À l’époque, les établissements étaient tenus par des gens
longtemps accrochés à leur poste. Aujourd’hui les structures et le ministère
commencent à intégrer cette rotation que je trouve indispensable, pour autant
que les directeurs sortants puissent continuer à créer dans de bonnes
conditions, ce qui n’est pas simple. On est encore dans une conception très
pyramidale : on commence par fonder une compagnie, puis on se fait
subventionner, puis, si on y parvient, on devient directeur d’une structure,
pour finir par s’accrocher à son poste de direction. Ce n’est pas un bon
système, il n’est pas sain. On peut avoir envie de prendre des responsabilités
dans une institution pendant un certain temps et puis plus tard préférer se
consacrer à son travail artistique exclusivement. Le système devrait être plus
circulaire que pyramidal. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire,
d’abord parce que ce n’est pas le schéma qui prévaut dans notre société…
Sur un plan plus artistique, il y a depuis
quelques années des nouvelles tendances, souvent intéressantes mais qui
exercent aujourd’hui une certaine hégémonie. On parle beaucoup d’écriture
scénique et de ce type d’approches (qui par parenthèse ne sont pas
neuves : Kantor, Wilson, le Living Theater, c’était déjà de l’écriture
scénique, non ?). Je suis pour ma part attaché depuis toujours à la
langue, au texte, à la parole – ce qui ne veut pas du tout dire que je fais un
théâtre purement littéraire, ni que je me désintéresserais des démarches qui ne
sont pas « texto-centristes ». Mais je suis inquiet de voir que la langue est, dans certains
discours, rendue désuète. Le texte au théâtre, ce serait dépassé. C’est quelque
chose d’inquiétant même et avant tout sur un plan politique. La langue
accompagne l’humanité depuis les origines, elle est un outil de communication,
d’expression, mais aussi de réflexion et de pouvoir. Il est nécessaire d’interroger la langue, de déjouer la façon
dont certains l’instrumentalisent. La langue, c’est comme la politique, si vous
ne vous en occupez pas, d’autres s’en occuperont à votre place.
Personnellement, je n’ai pas du tout envie qu’on pense à ma place. Et c’est
selon moi un des rôles du théâtre. Interroger, triturer la langue, en déployer
les potentialités. Et mieux comprendre pourquoi et comment nous parlons.
Prétendre qu’un théâtre de parole serait plus ringard qu’un autre qui s’attache
par exemple aux nouvelles technologies ou à un art purement corporel, me semble
une idée bien naïve. Comme disait Vitez : « On peut faire théâtre de
tout ». L’outil qu’on utilise ne détermine pas, n’implique pas ipso facto
la modernité de la démarche. On peut véhiculer une pensée réactionnaire avec
des outils dernier cri et véhiculer une pensée progressiste avec des outils
archaïques. Pasolini avait déjà mis cela en évidence, en refusant de se laisser
enfermer dans une identité figée, et en jetant par dessus bord l’opposition
scolaire entre modernité et tradition. Il faut brouiller les cartes, ne pas
céder au discours facile de la mode, des dernières tendances, ne pas se laisser
récupérer. Après, il faut se poser la question du pourquoi de ce dénigrement du
théâtre de texte. A qui profite le crime ?
Est-ce que tu penses que la crise
communautaire qui sévit en Belgique influence cette question de la
langue ?
En tout cas je pense qu’imaginer que pour
mieux communiquer ou pour faire un art plus universel, il faudrait moins de
langue, parce que la langue définit une communauté et donc divise les hommes en
différents groupes, cela me paraît une idée très dangereuse. Je crois qu’il est
essentiel qu’il y ait des particularités, des singularités. Il est bien plus
intéressant d’aller à la rencontre de la langue de l’autre que de rêver à une
illusoire unification dans une langue commune ou dans une absence de langue. Or
notre société de consommation tend à l’uniformisation. Prenons l’exemple des rues commerçantes :
partout où l’on va, les rues commerçantes des grandes villes européennes se
ressemblent de plus en plus. Ce sont les mêmes multinationales qui sont
implantées partout! Je suis allé à Londres récemment, je n’y étais plus allé depuis
très longtemps et je voulais aller à Carnaby Street parce qu’étant adolescent,
cette rue, son atmosphère particulière, m’avait frappé. Quand j’y suis allé,
j’ai eu l’impression de me retrouver à la rue Neuve à Bruxelles. J’ai trouvé ça
très déplaisant. On doit travailler à la singularité, à la différence. Cela
peut paraître paradoxal, mais on doit se rassembler autour de la différence. Si
on se rassemble autour de ce qui nous unit et pas de ce qui nous
différencie, on est en route pour le
totalitarisme. L’universalité est un but que l’on ne peut jamais atteindre sans
passer par le particulier, et donc la différence. Anton Tchekhov prétendait que
ses pièces n’intéresseraient personne au-delà de la Russie parce qu’elles
traitaient de la vie provinciale dans les provinces russes. Est-ce qu’il était
malicieux en disant cela, je ne le sais pas mais il avait évidemment tort sur
ce point. En partant d’un sujet particulier, il touche à l’universel. Bien sûr,
le singulier ne touche pas systématiquement à l’universel ! Il peut rester
folklorique. Mais on ne peut parler du monde qu’à partir de l’endroit où l’on
se trouve. Il ne faut pas avoir honte de ce qu’on est. Il ne faut pas courir
après une chose qui pourrait transcender toutes les frontières. Il faut partir
de ce qu’on est et aller vers l’autre avec ce qu’on est. D’ailleurs, la
prochaine édition du RRRR festival se passera en collaboration avec le
Québec et la Flandre. Montréal ayant déjà manifesté son désir de travailler
avec les néerlandophones et les francophones, ce sera l’occasion pour des
auteurs de différentes communautés de se rencontrer.
Comment définis-tu les caractéristiques de
l’art belge ?
C’est une question très compliquée ! Il
y a des évidences. Il y a une grande tradition picturale chez nous (peinture, bandes
dessinées,…) qui se retrouve dans pas mal de nos créations. Il y a un rapport à
la langue qui est particulier. Les Belges francophones n’ont pas le même
rapport à leur langue que les Français. On se gargarise moins avec la langue.
On est « belges » mais on parle français. C’est comme si cette langue
ne nous appartenait pas complètement, comme si on l’avait empruntée, ou
volée ! On a moins ce rapport de
dévotion vis-à-vis de la langue. Je crois que le Belge a un certain recul sur
les choses, et peut-être plus d’humour aussi, en out cas plus d’humour sur
lui-même ! (rires) Nos amis français sont plus protocolaires. Un exemple
bête : lors de ma création à Bussang, la ministre de la culture française
est venue nous féliciter entourée d’une armada de gardes du corps, de
policiers, de journalistes, d’élus locaux, etc. Il y a quelque chose de l’ordre
de l’apparat qui était pour nous, belges, assez amusant ! Chez nous, le premier
ministre se balade seul dans les rues de Mons et il n’y a pas de problème. En France,
cela paraît impensable. En Belgique, on a un regard plus caustique sur ce qui
est solennel et cela se retrouve dans nos créations. La satire, l’ironie, sont
des choses qu’on retrouve énormément. Au niveau de la langue, je dirais qu’on a
moins de peur à aller la triturer, la malmener. Et puis il y a l’influence de
la Flandre aussi. Quand on lit Tom Lanoye, dont le Rideau a coproduit
« Mamma Medea » mis en scène par Christophe Sermet, ou quand on lit Hugo Claus, on n’a pas
l’impression d’être en terrain étranger. Il y a un fond commun. Après, sur
d’autres plans, on se sent très différents des Flamands. Mais de toute façon,
on est dans un monde où on a chacun différentes identités, c’est merveilleux
comme ça. Il ne faut pas les noyer dans une grande soupe fade, mais les
cultiver. Au niveau théâtral, il est intéressant d’entendre ce que les
étrangers disent de nous. Ce qui revient souvent, notamment dans la bouche des
Français, c’est que le Belge a une approche plus concrète, plus directe et plus
corporelle.
En 2007, tu es élu au poste de directeur
artistique du Rideau, succédant à son fondateur, Claude Etienne, et à
Jules-Henri Marchant et Martine Renders. Cette dernière co-administrera le
Rideau à tes côtés jusqu’en 2011 et a vu récemment Catherine Briard lui
succéder. C’est d’une histoire de plus de 70 ans dont tu assumes aujourd’hui la
pérennité. Quel est ton ressenti sur cette « responsabilité » ?
Je ne ressens pas d’intimidation par rapport
à ça. J’ai beau avoir un respect et une admiration énormes pour le Rideau et
tout ce qu’a accompli Claude Etienne en particulier, ça ne m’a jamais intimidé.
Je n’ai rencontré Claude Etienne qu’une seule fois, lors d’une audition qu’il
organisait et j’ai trouvé que ç’était un homme merveilleux. J’ai toujours senti
sa présence au Rideau. Pas mal de gens qui travaillent aujourd’hui au Rideau
ont connu son fondateur et travaillé à ses côtés. Il a insufflé un esprit, une
façon d’aborder les choses, qui ne sont pas intimidantes du tout, au contraire,
qui sont porteuses. En revanche, j’ai pleinement conscience des responsabilités
qui sont les miennes en dirigeant cette maison. Elle est tout de même à
l’origine du théâtre de création en Belgique francophone. Avant la seconde
guerre mondiale, il y avait des théâtres en Belgique mais qui présentaient
surtout des productions parisiennes qui passaient par Bruxelles. Et ceux qui à
l’époque tentaient de défendre la création belge, à la manière de Jouvet ou de
Copeau, n’y sont pas vraiment parvenus. Je pense à Jules Delacre. Il n’y avait
pas de subventions à l’époque, tout était privé, c’était donc très difficile.
Et même si cela peut paraître terrible de dire ça, la seconde guerre mondiale a
permis au théâtre de création de naître en Belgique. A l’époque, les acteurs
belges rêvaient de partir faire carrière à Paris, c’était le cas de Claude
Etienne qui n’a pas eu l’occasion de réaliser son rêve parce qu’il a été
mobilisé. C’est donc à Bruxelles qu’il fonde sa compagnie, en 1943. Le Théâtre
National n’était pas encore né et le Rideau est véritablement à l’origine du
théâtre de création. Claude Etienne avait un incroyable talent de découvreur.
Qu’ils soient auteurs, acteurs, metteurs en scène, il savait s’entourer
d’artistes remarquables. Au niveau des textes, c’est hallucinant de voir la
liste d’œuvres révélées au Rideau. Que ce soit des auteurs étrangers comme Tennessee
Williams dont la première européenne d’ « Un tramway nommé
désir » fut jouée au Rideau de
Bruxelles, que des auteurs belges, alors qu’à l’époque, être auteur belge n’était
pas vraiment un gage de reconnaissance ; c’est d’ailleurs pour cela que
certains auteurs belges s’empressaient de faire oublier leurs origines quand
ils étaient joués à Paris. Claude Etienne a fait confiance et suscité
l’écriture pour la scène d’auteurs comme Paul Willems, qui à l’origine
n’écrivait pas pour le théâtre. Donc il y a toujours eu, au sein du Rideau, la
démarche d’encourager les nouvelles écritures, belges principalement, et je
m’attelle, après Claude Etienne, Jules-Henri et Martine, à perpétuer cet
héritage. Si on renonce à ça, on renonce au Rideau de Bruxelles.
Le Rideau a traversé (nous pourrions dire
« survécu ») à une longue période nomade. Pour le lecteur qui n’a pas
entendu parler de ces heures sombres, peux-tu, de ton point de vue, nous
relater cet intermède d’itinérances ?
Le Rideau présentait depuis 1943 ses
spectacles au palais des Beaux-Arts où il était locataire. Ses bureaux
s’y trouvaient également. Il faut savoir que les Beaux-arts est historiquement
le premier centre culturel européen, fondé dans les années 20. C’est la
première fois qu’on construisait un outil de cette ampleur avec l’idée d’y
rassembler des disciplines artistiques différentes. Victor Horta,
l’architecte du lieu, n’avait à l’origine pas conçu de salle de spectacle. Mais
comme on le sait, le théâtre est un parasite et s’incruste partout (rires) et
donc très vite, il y a eu des représentations au palais des Beaux-Arts.
Historiquement, les Beaux-arts abritaient différentes sociétés. En 2000, le
statut du lieu a changé avec la volonté de créer Bozar qui ambitionnait
d’intégrer en un seul projet un maximum de disciplines artistiques. Là, on
touche à la complexité institutionnelle belge : comme le lieu est fédéral
et qu’il abritait des associations fédérales mais aussi communautaires,
flamandes et francophones, Bozar ne pouvait pas intégrer l’ensemble des
activités dans une seule structure. Le Rideau de Bruxelles, parce qu’il était
une institution francophone subventionnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles,
ne pouvait que rester indépendant, ce qui de toute façon correspondait à son
souhait. Une série de sociétés ont été intégrées au projet, la Cinematek, qui est une institution fédérale, a choisi
quant à elle de garder son indépendance. Avec le projet Bozar, les activités ont été
démultipliées, y compris sous forme de locations à des évènements extérieurs.
Pendant la dizaine d’années qui a suivi, il est devenu de plus en plus
difficile au Rideau de trouver sa place là-bas. Un théâtre de création
sollicite certains espaces, certaines durées d’occupation, et ça devenait de
plus en plus compliqué. Et puis il y a eu un évènement terrible : la
destruction du « Petit théâtre » le 21 septembre 2006. Ce petit
théâtre avait été aménagé pour le Rideau en 1947. Ce jour-là, sans que le
Rideau ait été préalablement informé, le Petit théâtre a été démantelé. La
raison invoquée par Bozar fut les nécessités liées aux travaux de la Cinematek.
Cet évènement signa le début de la fin. La confiance entre le Rideau et le
palais des Beaux-Arts était brisée. Il y eut des efforts de rapprochement, mais
les choses n’on fait que se dégrader. Bozar s’est engagé à reconstruire une
petite salle pour le Rideau. Du statut de salle définitive, elle est passée au
statut de salle provisoire. De notre point de vue, il n’y avait plus de
perspectives suffisantes de pouvoir développer au Palais des Beaux-Arts notre
projet artistique dans de bonnes conditions. Après concertation avec le
ministère de la Culture, le Rideau a dès lors décidé de quitter les lieux. Le
problème était que nous n’avions pas de solution de rechange à l’extérieur.
Nous avons effectué un gros travail de prospection pour trouver un lieu, ce qui
est aujourd’hui le cas puisque la commune d’Ixelles a lancé un appel pour la
reprise de l’actuel XL théâtre et notre dossier a été choisi. À partir de
janvier 2014, nous serons gestionnaires du lieu. Mais nous n’y présenterons pas
de spectacles avant la saison 14-15. Des travaux doivent en effet être
entrepris dans le lieu. D’ici là, le Rideau reste nomade et heureusement, nous
sommes accueillis dans différents lieux.
Le Rideau a de tout temps privilégié les
auteurs et/ou les démarches nouvelles. Aujourd’hui, tu assumes également cette
démarche à travers ta politique de direction artistique, en la définissant
notamment de « prise de risque ». Pourquoi cette prise de risque
est-elle importante ? Où se situe le risque ?
Quand on dirige un théâtre, si on veut
s’assurer d’avoir du public, il y a plusieurs façons de faire. Si on monte une
œuvre « classique », on s’assure d’avoir un fond de salle et des
écoles. Si on accueille des spectacles avec des acteurs très connus, on
s’assure également d’un certain public. Mais si on programme un auteur ou un
metteur en scène peu ou pas connus, on prend le risque que les gens ne viennent
pas ou attendent que d’autres aient vu et apprécié le spectacle pour y
assister. Le bouche-à-oreille devient
dès lors essentiel. Mais au-delà du succès ponctuel de tel ou tel spectacle,
l’objectif est de sensibiliser les publics à l’ensemble d’une démarche de
programmation. Que les gens acceptent de prendre le risque avec nous, en
sachant qu’il y a toujours un souci de qualité. C’est vrai qu’on prend chaque
fois le risque qu’un spectacle ne rencontre pas son public. Mais le plus souvent
ça se passe bien, voire très bien. Je pense notamment à « Mamma Medea »
de Tom Lanoye mis en scène par Christophe Sermet qui n’était pas
forcément sur papier un succès assuré. Quand Christophe a eu l’idée de monter
cette pièce, Tom n’était pas encore connu du côté francophone comme il l’est
aujourd’hui. Mais nous avons eu la chance que la création coïncide avec le
succès de son roman « La langue de ma mère ». Le spectacle en
a bénéficié. Mais cela n’aurait pas été suffisant si le travail de Christophe
et de toute l’équipe n’avait pas été aussi remarquable. Quand on a programmé la
reprise (au Théâtre National du 14 au 25 janvier 2014), les gens ont tout de
suite appelé pour réserver. Le spectacle n’est plus une prise de risque pour
nous, mais à la base il l’était. Je réclame le droit au risque ! Si l’on
décrète demain (ce n’est qu’une hypothèse) que les théâtres doivent absolument
faire 85% de fréquentation, ils ne prendront plus de risque et passeront à côté
de choses importantes. « En attendant Godot » de Beckett n’a rencontré qu’un public réduit
à ses débuts et aujourd’hui c’est l’une des œuvres les plus importantes du
répertoire du vingtième siècle. Pour moi, le théâtre subventionné doit aussi
jouer ce rôle de découvreur. Le théâtre privé est obligé de faire du
rendement ; si les recettes ne suivent pas, ils ne peuvent pas payer les
gens. Ils sont obligés d’avoir une certaine politique commerciale. Le théâtre
subventionné n’est pas soumis à cela. Il doit bien évidemment s’efforcer de
toucher le public le plus large possible. Mais il ne devrait pas subir les
diktats de la mode ou du vedettariat. Je pense que cette mission prospective du
théâtre subventionné, on a de plus en plus tendance à l’oublier. Il ne faut pas
forcément apporter au spectateur ce qu’il aime mais ce qu’il pourrait aimer.
C’est quelque chose que je revendique clairement en tant que directeur de
théâtre. Je crois d’ailleurs que les gens sont bien plus ouverts que ce qu’on
croit et que ce qu’ils croient parfois eux-mêmes, pour toute une série de
raisons. Parce qu’ils pensent que le théâtre, ce n’est pas pour eux. Et là, il
reste un énorme travail à faire…
Jusqu’alors occupé par le théâtre du Grand
Midi l’XL ouvrira ses portes neuves pour la saison 2014-2015 sous la bannière
du Rideau. Quels sont tes sentiments et tes espoirs pour ce lieu ?
Ce qui nous a manqué le plus et au Palais des
Beaux-Arts et dans le nomadisme, c’est la possibilité de pouvoir s’inscrire
dans une commune et dans un quartier. Le quartier du Mon des Arts, où se trouve
Bozar, est essentiellement composé de musées, de banques et de bureaux.
Finalement, il y a peu de gens qui vivent dans ce quartier. Donc on ne pouvait
pas faire un vrai travail sur la population locale. En nomadisme, on ne fait
que passer. On n’a pas non plus le temps de mener ce genre de travail en
profondeur ; on peut le faire ponctuellement bien sûr, mais s’inscrire dans un
lieu, un quartier, se travaille sur la longueur. Là, nous avons enfin
l’opportunité de nous implanter dans un environnement très densément peuplé
avec beaucoup d’avantages : la salle est très bien située, de nombreuses
populations cohabitent – nous sommes à côté de Matongé, il y a également une
importante communauté maghrébine – nous avons aussi la proximité avec Flagey,
le quartier commerçant de la porte de Namur, etc. Le quartier brasse des gens
très différents aussi bien culturellement que socialement. Pour moi, c’est
quelque chose d’important et d’intéressant. Le public d’un théâtre devrait
refléter la mixité qu’on trouve à l’extérieur. On est bien loin du compte, on
le sait, les classes populaires vont peu au théâtre. On éprouve depuis
longtemps une certaine difficulté à les sensibiliser à ce qu’on fait, or cela
fait partie pour nous des enjeux les plus importants. Donc, l’inscription du
Rideau dans un tel milieu est une très bonne chose. Depuis quelques années,
nous avons travaillé à faire rayonner notre théâtre au niveau national et
international mais nous avons également besoin de revenir à nos racines et
d’être bien implantés quelque part. Mon attente se situe essentiellement à ce
niveau-là. Je crois que cela aura aussi une influence sur la programmation. Par
exemple, j’ai très envie de développer le théâtre « jeune public »,
chose que l’on fait très peu pour le moment. Le théâtre « Jeune
public » peu plus facilement, je crois, amener des populations qui ne
fréquentent pas les théâtres à s’y intéresser. Et le théâtre « jeune
public » est chez nous de grande qualité. Dans l’ensemble, nous
privilégions un théâtre à échelle humaine dans un rapport de proximité avec
notre public. Pour moi, cela passe par un rapport simple, direct et convivial.
Les espaces culturels doivent être des lieux où les gens se sentent chez eux.
Trop souvent, ils sont intimidants, alors que les théâtres subventionnés
devraient, symboliquement au moins, être
la propriété de tous.
En 2007, tu nous confiais qu’à 40 ans tu te
sentais plus apaisé qu’à 30 ans. C’était au moment où tu prenais tes fonctions
de directeur. C’était au moment où tu devenais père. Aujourd’hui le Rideau fait
peau neuve et adoptera les courbes de l’XL théâtre. Comment te sens-tu ?
Je me sens assez bien ! (rires) J’avoue
être un peu plus inquiet sur une série de points que lorsque je suis entré en
fonction ; nous vivons une période de plus en plus dure socialement. J’ai des
enfants maintenant et je suis inquiet pour eux, pour leur avenir. Je trouve,
compte tenu du monde dans lequel on vit, qu’il est difficile de ne pas céder à
la désespérance ou au fatalisme. C’est un travail. C’est un travail de se
maintenir dans l’émerveillement - ce qui ne veut pas dire « dans la
naïveté », on ne tourne pas le dos à la réalité. Que du contraire,
l’émerveillement nous pousse vers l’avant, nous invite à prendre notre destin
en mains. Sur le plan plus particulier du Rideau : nous avons le plaisir
d’investir un nouveau lieu mais nous sommes encore en négociations pour le
renouvellement de notre contrat-programme. Il y a une grande incertitude de ce
côté, que nous partageons bien entendu avec d’autres institutions. De tout
temps, le théâtre a manqué de moyens. Mais la situation est aujourd’hui
particulièrement sensible. Il est difficile de maintenir une enveloppe
suffisante pour mener à bien nos objectifs. Ces choses-là m’inquiètent mais je
ne cède pas à la désespérance. Le fait d’avoir des enfants soulève en moi les
questions du monde qu’on va laisser après. Quand je regarde ce qui s’est passé
en Grèce, je me dis qu’on n’est pas à l’abri d’une telle catastrophe, même si
on a tendance se croire protégés. Dans le système ultra-libéral dans lequel on
évolue, tout peut arriver. Mais tout ça, ce sont mes inquiétudes de citoyen.
Lors de ton entrée en fonction, tu as
également manifesté le désir de toucher une tranche d’âge de la population qui
allait peu au théâtre, notamment parce que trop enfermé dans une idée
poussiéreuse de réalité du spectacle. Quel est le bilan jusqu’à
aujourd’hui ?
Quand nous avons quitté les Beaux-Arts, nous
avons perdu une partie de notre public. Je dirais même que nous avons perdu une
partie du public lorsque nous y étions. Les conditions d’accueil du public
étaient difficiles. Des gens se sont découragés. Il y avait aussi des
spectateurs du Rideau attachés au Palais des Beaux-Arts, au côté prestigieux du
lieu. Ils ne nous ont pas suivi en nomadisme. Mais un nouveau public a trouvé
les chemins du Rideau. Aujourd’hui, en ce qui concerne le public plus jeune, le
travail porte ses fruits même si ce n’est absolument pas terminé. J’ai le
sentiment qu’il y a une plus grande diversité dans les salles qu’à l’époque où
j’ai pris mes fonctions. Fidéliser un public quand on passe d’un lieu à un
autre, ce n’est pas simple. C’est pourquoi il est important aujourd’hui qu’on
s’implante quelque part même si nos aventures nomades ont permis de rassembler
différents publics : le nôtre et celui des lieux qui nous accueillaient.
Très bientôt, nous allons être en mesure de fidéliser les gens dans notre
nouvelle salle. Ce qui nous réjouit.
Peux-tu nous parler de la prochaine saison du
Rideau et peut-être déjà nous mettre l’eau à la bouche en nous lâchant
quelques infos sur les premières créations à l’XL ?
Nous avons appelé cette saison « Belges
tropiques ». C’est une saison d’auteurs belges. On trouvait important de
se repositionner par rapport à nos auteurs. Ce n’est pas un repli
protectionniste, défendre la spécificité ce n’est pas se replier sur soi-même.
Mais à ce moment charnière du Rideau, nous jugions important de manifester
notre intention de défendre ce qui s’écrit ici et maintenant. Nous démarrons la
saison avec le RRRR festival, qui était initialement prévu pour la saison
précédente. Il regroupe des spectacles d’auteurs belges vivants parce qu’il
n’existait pas jusqu’alors d’évènements de cette ampleur autour de nos
nouvelles écritures. Ce festival est né d’un constat lors d’un de nos comités
de lecture « La Liseuse » où Cedric Juliens nous a fait
remarquer que nous avions plus de coups de cœur que ce que nous pouvions porter
à la scène. De ce constat, la proposition d’organiser un festival de créations
plus légères avec un maximum de textes a trouvé son chemin. J’ai trouvé l’idée
excellente. Le festival est un évènement de premières créations, de lectures,
de rencontres, que nous avons mis sur pieds avec plusieurs partenaires :
le Poème 2, Le Centre des Ecritures dramatiques Wallonie-Bruxelles et
Wallonie-Bruxelles Théâtre-Danse. Les créations se répètent cinq semaines, ce
qui est moins qu’une création normale qui tourne chez nous entre six et neuf
semaines, mais plus qu’une lecture-spectacle. Les équipes de concepteurs sont
réduites, on se concentre sur les interprètes (acteurs ou musiciens) et il y a
une éclairagiste qui travaille sur les créations. Je précise cependant que les
artistes ne travaillent pas au rabais, leur salaire est maintenu à un barème mensuel
brut qui serait le leur sur une production « normale ». Le RRRR
festival, c’est 9 lectures, 4 spectacles dont trois inédits et une reprise qui
est « Magnifico » d’Axel Cornil mis en scène par Valentin
Demarcin. Et puis il y a aussi trois rendez-vous public autour de
thématiques liées aux nouvelles écritures. L’objectif du festival est d’attirer
l’attention des publics, de la presse, des professionnels, sur les nouvelles
écritures de Belgique francophone que je trouve très riches. Elles ne sont pas
toujours bien promotionnées à l’étranger. Le festival permet de voir beaucoup
de choses sur un temps très court. Pour le public, la dimension de festival a
un caractère ludique et festif. Le but est aussi de pouvoir offrir une vie
après l’évènement aux spectacles proposés. Les programmateurs peuvent découvrir
plusieurs spectacles et lectures sur une période réduite et dans un même lieu…
Pour la suite de la programmation, nous avons la reprise de « La jeune
fille folle dans son âme » de Fernand Crommelynck. Ce spectacle
s’inscrit dans notre travail sur les grands fondamentaux du répertoire du
vingtième siècle, puisqu’on programme surtout des écritures d’aujourd’hui mais
aussi des textes importants du vingtième siècle. « Comme un secret
inavoué » de Jean Louvet sera mis en scène par Frédéric
Dussenne. Crommelynck étant notre seul auteur mort de la saison, Louvet est
le doyen ! Louvet n’a jamais été monté au Rideau, et cette pièce est une
création magnifique à deux voix. Jean Louvet est un homme très engagé mais il n’est
pas qu’un militant, c’est aussi un grand poète. « Comme un secret
inavoué » raconte l’histoire de deux personnes dont les mains se
frôlent dans une file d’attente et qui se retrouvent à l’hôtel. Il se passe
tout sauf ce à quoi on s’attend quand un homme et une femme qui ne se
connaissent pas se retrouvent à l’hôtel. C’est une pièce intime sur la
fragilité humaine. Qu’est-ce que c’est « aller à la rencontre de
l’autre » dans une société où tout est mis en concurrence ? Véronique
Dumont et Fabrice Rodriguez prêtent leurs corps, leurs voix et leurs
imaginaires pour ce spectacle. Ensuite
on reprend « Le carnaval des ombres » interprété par Serge
Demoulin. On est très heureux de le reprendre et de la demande qu’il
suscite en tournée. C’est un très beau travail que Serge a fait, qui touche à
l’universalité dont on parlait. Une cinquantaine de dates sont programmées dont
une reprise à l’Atelier 210 où il a vu le jour. « Mamma Medea »
de Tom Lanoye mis en scène par Christophe Sermet, un autre
« hit » ! (rires) Une réécriture du mythe de Médée portée par
une très belle distribution. Enfin « Don Juan addiction / Elles
», une création de Sylvie Landuyt. Le premier volet de ce spectacle a
déjà été produit et joué au Manège de Mons. C’est un voyage à travers le mythe
de Don Juan avec une approche très physique, à la limite du théâtre et de la
danse. Et qui s’intéresse particulièrement au point de vue des femmes. Le
deuxième volet, « Elles »
sera plus intime et repose sur l’écriture de Sylvie. Les deux volets seront présentés
l’un après l’autre dans la même soirée. Voilà ! Il faut savoir qu’on
reviendra aux auteurs étrangers dès la saison suivante. Concernant la
programmation au sein de notre nouvelle salle, je ne peux rien dire pour
l’instant. On ne sait pas encore à partir de quand nous pourrons y jouer. Nous
avons prévu des travaux, qui devraient notamment permettre d’utiliser l’espace
dans différentes configurations.
Tu reviens récemment d’une création à
Bussang, « La jeune fille folle dans son âme » de Fernand Crommelynck,
un auteur du plat pays, présentée au Théâtre du Peuple dirigé par Vincent
Goethals. Comment s’est déroulée cette aventure vosgienne ?
C’était une aventure très particulière. Déjà,
le Théâtre du Peuple n’est pas un théâtre comme les autres. Historiquement,
c’est le premier théâtre de la « décentralisation » en France. Avant,
tout se passait à Paris. Ce théâtre est né du désir de Maurice Pottecher
de créer un théâtre dans son village natal, où son père possédait une usine de
couverts. Sa femme était une actrice qui se produisait à Paris, ils ont ouvert
ensemble ce lieu en 1895 et ils ont invité les habitants du village à se
produire sur scène aux côtés d’acteurs professionnels. Le projet était très
simple, mais lumineux, une belle utopie. Pottecher écrivait les textes et sa
femme faisait répéter les villageois. Au départ c’était des spectacles en plein
air, d’été. Progressivement, ils ont couvert d’abord l’espace scénique, ensuite
une partie de l’espace des spectateurs et enfin ils ont joint les deux.
L’intérieur est très harmonieux, un vaisseau de 800 places tout en bois, mais
il s’agit en fait de plusieurs boîtes imbriquées. Au fil du temps, ce théâtre
est devenu une institution. Aujourd’hui, il a gardé la particularité de
mélanger des acteurs professionnels et amateurs, la règle étant
approximativement 1/3 de professionnels pour 2/3 d’amateurs. Sur le cadre de
scène, on peut lire d’un côté « Par l’Art » et de l’autre « Pour l’Humanité »,
ce qui est très beau ! Ce théâtre à la volonté de travailler de grands
auteurs pour le public populaire, mais en impliquant une partie de ce public,
les amateurs, dans le processus de création. Vincent Goethals, qui
a été désigné à la direction pour trois
saisons, a décidé de consacrer chaque saison à une communauté francophone. La
France en 2012, la Belgique, cette année, et le Québec en 2014. Trois approches
de la langue française. Dans ce cadre, il m’a demandé de monter le grand
spectacle de l’après-midi, lui montait le spectacle du soir, une commande faite
à Stanislas Cotton. Il y a eu tout un processus de sélection des amateurs. Il
faut savoir qu’à l’origine, le train allait à peine jusque-là. Aujourd’hui, des
amateurs de toute la France postulent pour jouer à Bussang ! On a même eu
une jeune actrice amateur venue de Tunis ! J’ai organisé des week-ends de
formation. Au terme de cette formation, j’ai sélectionné une dizaine d’acteurs
pour nous accompagner dans cette aventure. Pour le reste, je suis venu avec une
équipe de concepteurs et d’acteurs belges pour la plupart. On a décidé que le
Rideau serait coproducteur du projet avec l’idée que les amateurs seraient
remplacés à Bruxelles par des étudiants d’Art². C’est une très belle
aventure de rencontres. D’abord parce qu’en tant que professionnels, nous
sommes guettés par le fait de ne voir les choses qu’à travers notre métier et
que les amateurs amènent leurs propres questionnements. C’est très beau aussi
parce qu’il y a un public de fidèles à Bussang, qui vient presque en
pèlerinage. Le cadre est magnifique, on dirait une cathédrale de bois au milieu
de la nature. Il y a un bon rapport scène-salle, une excellente acoustique.
J’ai choisi une pièce qui n’a pas été montée depuis très longtemps, qui date de
la fin des années vingt. Crommelynck a fait plusieurs reprises jusque dans les
années quarante. Il y a eu une adaptation discrète en France dans les années
quatre-vingt et puis c’est tout. Outre ses thématiques très modernes et sa
langue magnifique, je l’ai choisie pour plusieurs raisons. D’abord parce que la
pièce se déroule dans un château situé dans un parc où a lieu une chasse à
courre, donc une présence de la nature très importante qui s’inscrivait
parfaitement à Bussang. Ensuite parce que la distribution importante permettait
à chacun d’avoir de la matière. Et enfin le fait qu’elle n’avait plus été
montée depuis très longtemps, qui répondait à notre mission sur le répertoire
belge.
Le succès critique et populaire français
s’est fait ressentir jusqu’en Belgique, quels sont tes sentiments sur cette
rencontre belgo-française ?
C’est un public particulier. La moitié vient
de la région et l’autre moitié vient de plus loin. C’est un public très
chaleureux. Il ne regarde pas les choses avec retrait mais a envie que
« ça se passe ». Il est également très franc. Après chaque
représentation, les gens pouvaient venir rencontrer les comédiens et échanger
leurs sentiments, leurs points de vue. Ces discussions ont été vraiment très
enrichissantes. Mais je ne crois pas qu’on puisse dire que ce public représente
le public français. Il est différent à Paris et à Bussang… J’ai senti qu’il y
avait quelque chose de l’ordre d’une chaleur, d’une ferveur. On ressent
l’essentiel de ce qui fait la beauté de l’art théâtral, le rassemblement autour
de quelque chose, quelque chose de plus grand. Et puis le théâtre offre un
cadre qui permet la très bonne réception d’un spectacle et favorise la
rencontre. C’est surtout ça qui définit ce théâtre : la rencontre.
Quels sont les sujets, les œuvres ou les
auteurs qui te sont chers et que tu entends défendre dans ton travail ?
Il y en a beaucoup ! (rires) Mais comme
on est dans une démarche de recherche, je dirais que l’auteur que je veux
défendre est l’auteur que je vais découvrir demain. Au Rideau, on est attaché à
une certaine dimension poétique. Je n’aime pas les textes trop didactiques. Je
déteste qu’on m’explique comment je dois penser. Pour moi un texte doit ouvrir
des questions tout en prenant position. Il doit pouvoir faire travailler
l’intelligence et l’imaginaire de façon sensible. Si on me donne quelque chose
de prémâché, que ce soit sur le plan des idées ou de la forme, si les choses
sont évidentes, ça ne m’intéresse plus. Je ne suis pas à la recherche de choses
compliquées à tout prix, mais j’ai besoin qu’il y ait de la complexité, de l’ambiguïté,
de la contradiction. Je ne vais pas au théâtre pour qu’on me donne une image
simplifiée du monde, la télévision s’en charge déjà très bien ! J’aime
aussi être ému. Je n’aime pas quand le théâtre est sec, froid, j’aime une
certaine sensualité, une chaleur dans le travail. Sentir l’humain. C’est une
idée qu’on défend fort au Rideau. Pour les choix, je reste ouvert à ce qu’on
propose et je peux tout à fait porter mon attention sur un auteur qui n’est pas
mon livre de chevet. Tout ça, on en discute évidemment avec mes collaborateurs.
Qu’est-ce qui t’inspire en général ? Ce qui
te pousse à la nécessité de créer ?
Je reviens avec cette notion de question. Si
je sais trop ce que je vais faire avec un texte, il me tombe des mains !
Parce que c’est comme si je l’avais déjà monté. J’aime que le texte pose une
question à la scène. Comment vais-je monter ça ? Tout à coup on est obligé
de faire travailler l’imaginaire ; je ne parle pas de chercher la
nouveauté pour la nouveauté. Cette obsession de la nouveauté à tout prix
m’agace au plus haut point ! Elle n’est que le reflet de la société de
consommation dans laquelle nous vivons, où il faut à tout prix créer
constamment et artificiellement de nouveaux besoins. C’est une voie sans issue,
qui ne peut mener qu’à la frustration et à la désespérance. Dans le travail
théâtral, j’ai besoin que soudainement quelque chose nous éveille, allume une
flamme en nous. C’est alors qu’un désir profond nous pousse à chercher. A
chercher quoi, on ne le sait pas tout à fait, on en a une idée confuse. Et plus
on avance dans le travail, mieux on comprend ce qui nous anime. J’ai besoin
d’être troublé. Je ne pense pas que le théâtre soit un art d’évasion, il n’est
pas fait pour tourner le dos à la réalité. En revanche, il doit poser un regard
autre sur la réalité. Un regard étonné, émerveillé ou horrifié. Dans le monde
où nous vivons, on peut facilement être guetté par le cynisme. Les démarches
théâtrales exclusivement cyniques me mettent ma à l’aise. Je pense qu’un
spectacle peut être chargé d’ironie, d’humour noir, des composantes qui peuvent
stimuler notre intelligence, notre sens critique. Ce qui n’est pas le cas du
cynisme qui le plus souvent ne peut provoquer que du découragement, du
fatalisme. On a besoin d’espoir. Ce n’est pas parce qu’on est porteur
d’espérance qu’on s’illusionne sur la réalité. C’est au contraire une façon de
réagir face aux événements. Pour revenir au cynisme, les démarches s’appuyant
sur la provocation gratuite, la sexualité débridée sur le plateau, etc. n’ont
plus beaucoup de sens. On n’a plus besoin de ça. Ça a pu avoir une valeur dans
les années soixante, notamment avec des démarches telles que celle du Living
Theater où l’apparition brutale d’un sexe en érection sur scène produisait un
choc terrible dans la salle. Mais aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales,
n’importe quel gamin se retrouve en deux clics sur un site de cul. Du coup je
recherche autre chose que cette provocation gratuite. Je recherche ce qui peut
créer du lien, de la perspective. « La jeune fille folle de son âme »
parle de ça : une jeune femme avec une conception des choses trop exaltée
risque de ne pas trouver sa place dans le monde. Je pense qu’on a tous cette
dimension en nous et je trouve intéressant de réinterroger ça.
Quels sont selon toi les éléments
indispensables à un bon spectacle ?
Il n’y a pas de recette miracle. Le risque
fait partie de l’aventure et c’est très bien. J’énumèrerais plutôt les éléments
sans lesquels il n’y a pas de bons
spectacles. Il y a la dimension du collectif d’abord. Il faut qu’on puisse
rêver ensemble. Quand je dis « on », je désigne à la fois l’équipe du
spectacle et les spectateurs. Se demander « Quels sont les éléments qui
vont me faire rêver ? » s’applique au spectateur et aux artistes. J’ai
besoin que l’équipe rêve dans la même direction. S’il n’y a pas ça, il est déjà
difficile d’avancer. Ensuite – et il ne s’agit pas d’éléments indispensables à
un bon spectacle mais à un spectacle susceptible de me toucher - il y a une
notion de fragilité. Un spectacle peut être très bien fait, très pro, mais il
ne va pas forcément me toucher. J’aime quand un spectacle est fragile. S’il n’y
a pas de risque à un endroit, on ne fait que reproduire une recette et ce n’est
pas intéressant. Et comme je l’ai dit précédemment, un bon spectacle est un
spectacle qui renouvelle, même pour une petite part, ton regard sur la réalité.
Pour y parvenir, il faut se donner les moyens de chercher en profondeur.
Ton travail a été de nombreuses fois nominé
et récompensé. Comment abordes-tu le travail de la mise en scène ?
J’ai envie de reprendre les éléments que j’ai
développés mais je ne vais pas nier qu’après autant d’années de pratique, j’ai
aussi développé une certaine démarche, une façon de travailler avec les
acteurs, d’envisager l’espace... J’aime que les choses soient structurées tout
en gardant de la souplesse. Je vois le travail comme un voyage. On voyage
ensemble, on trace un itinéraire, on prend des chemins de traverse, on s’égare,
on se retrouve… Je n’ai pas vraiment de programme-type parce que j’ai cette obsession de ne pas
faire deux fois le même spectacle. Quand on analyse certains metteurs en scène,
on peut déceler à un moment une « patte » très reconnaissable. Je ne
crois pas être de ceux-là parce que chaque fois que j’ai eu l’impression d’être
trop reconnaissable, j’ai brouillé les cartes. Je ne veux pas me laisser
enfermer. Je n’aime pas l’idée de devenir un produit dont on va attendre telle
ou telle chose. Je ne veux pas faire du Delaunoy. Evidemment, on a des obsessions.
Certaines choses se retrouvent d’un spectacle à l’autre malgré tout. Mais j’ai
quand même l’impression de repartir à zéro à chaque fois, de me fixer de
nouveaux enjeux.
Quelle est ta définition de la place du
théâtre dans notre société ?
Il y a plusieurs réponses. C’est un des rares
espaces de rencontre où les hommes se retrouvent en chair et en os autour de
questions. C’est banal de le dire, mais il est vrai qu’on est de plus en plus
isolés derrière nos écrans. La rencontre peut être une chose magnifique, elle
est pour moi de l’ordre du sacré, même si je ne suis pas croyant. Et puis c’est
aussi un lieu de divertissement. Ce qui n’est pas du tout antinomique. Au
théâtre, on peut être solennel durant une minute, et potache dans la minute qui
suit.
Quels sont tes sentiments sur la situation de
l’artiste actuellement ?
Ce qui me dérange, c’est le narcissisme
généralisé. Un artiste est pour moi un artisan. Il est certain qu’on a besoin
de médiatisation, mais je me méfie quand l’artiste devient un modèle absolu,
une idole. Pour moi, l’acteur, l’artiste en général, doit travailler à quelque
chose de plus grand que lui. Que ce soit de l’ordre du politique, du spirituel…
Dans notre société, on s’en tient au « je » et ça me gêne très fort.
On doit revenir à une forme d’artisanat, ce qui ne veut pas dire qu’on doit
manquer d’ambition artistique. Pour ce qui est de la condition sociale des
artistes, je suis inquiet. L’attitude de l’ONEM, et la complicité de certains
politiques dans cette affaire me révoltent. Le populisme s’insère partout. On
donne du chômeur l’image d’un profiteur. Ce qui, lorsqu’on analyse les causes
réelles de la crise que nous traversons, relève de l’imposture, du
scandale.
Quels sont tes sentiments sur l’avenir du
paysage théâtral belge ?
Là aussi j’ai des inquiétudes. Sur les
moyens, sur le manque de reconnaissance de l’artiste,… J’ai peur aussi que les
moyens soient de plus en plus concentrés sur les grosses institutions et qu’on
fasse le vide autour. Il est important d’avoir une pluralité d’approches.
Pour conclure, qu’aurais-tu à dire à la jeune
génération d’artistes qui te succèderont un jour ?
J’ai envie de leur dire de garder leur
capacité à s’émerveiller. La capacité à s’émerveiller est la chose la plus
importante. Ce qui ne veut pas dire être béat. Il leur faut également avoir une
soif de connaissance, et pas seulement dans le domaine du théâtre. Il y a les
autres arts, il y a les dimensions sociales, religieuses, politiques, etc. Il
faut trouver de nouvelles manières de voir les choses – sans rechercher la
nouveauté pour la nouveauté - et j’ai envie de les encourager à aller au bout
de leurs rêves. N’ayez pas peur de secouer les choses et faites-le
collectivement dès que c’est possible. Essayez aussi de résister à la mise en concurrence,
ce qui est difficile. Mais je ne veux pas donner de leçon en disant ça !
Une chose encore : n’essayez-pas d’être à la mode parce que la mode ça
passe très vite. Essayez d’être à l’écoute de ce que vous êtes vraiment et de
vos désirs profonds.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire